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La « résurrection » à Baillet-en-France des bas-reliefs du pavillon soviétique de 1937
En 2004, François Gentili, archéologue à l'Inrap et spécialiste de l'habitat seigneurial, explore les glacières du XVIIe siècle du château, aujourd'hui disparu, de Baillet-en-France.
Au sein de l'une d'elles, il découvre un amoncellement impressionnant d'éléments sculptés en béton : grandes statues brisées (de 2,5 à 3 mètres de hauteur), têtes, membres, troncs, reliefs et médaillons. L'ensemble (marteau, faucille, tracteur...) semble appartenir à un monument de grandes dimensions, indiscutablement soviétique, et postérieur à 1936. Des recherches ultérieures confirmeront qu'ils appartiennent au seul exemple comparable bâti sur le territoire français : le pavillon soviétique de l'exposition internationale des Arts et Techniques de la Vie moderne, présentée au Trocadéro à Paris en 1937.
Le pavillon soviétique de l'exposition de 1937
En effet, alors que L'Agriculture et l'Industrie rejoignent Moscou, les reliefs de Tchaïkov sont offerts par l'URSS à la Confédération générale du travail. En plein Front populaire, les sculptures sont accueillies par l'Union fraternelle de la Métallurgie dans le parc du château de Baillet-en-France, acquis en 1937 par le syndicat pour devenir un lieu de vacances fréquenté par les métallos lors des premiers congés payés.
Saisi en 1939, après l'interdiction du PCF et de la CGT, le château devient en novembre 1940 un centre des jeunesses pétainistes, après avoir servi de camp d'internement pour prisonniers politiques. Au printemps 1941, les sculptures y sont détruites. À la Libération, un temps exposées au sol, elles sont reléguées et oubliées dans une glacière... jusqu'à ce que l'archéologie permette aujourd'hui de les redécouvrir.
L'archéologie des temps contemporains
Par ailleurs, à l'occasion de la fouille, Jean-Paul Fargier réalise actuellement un documentaire de 52 mn produit par Zadig productions, sur l'épopée du monument soviétique.
Cette exhumation s'inscrit dans un travail de réexamen de l'art soviétique des années 1930, trop hâtivement réduit au seul statut d'outil de la propagande stalinienne, et de redécouvrir un artiste que son oeuvre « officielle » avait conduit à oublier. Cette découverte pose aussi la question de la préservation et de la présentation des ces ensembles, dans les pays de l'ancien bloc soviétique comme en France.
Le sculpteur Joseph Tchaïkov
Formé par son grand-père au métier de scribe, il opte dans un premier temps pour la gravure. En 1910, il part à Paris, sous l'égide de Naoum Aronson, étudier la sculpture, et fonde à la Ruche, avec des artistes d'Europe orientale, la première revue d'expression artistique juive Makhmadim (les précieux). Il retourne en Russie en 1914. Après la révolution d'Octobre, il va progressivement mettre en place sa vision d'un homme nouveau qui échappe au monde du passé. En 1921, dans le texte Sculpture, rejetant toute référence ethnographique ou primitiviste, il expose sa théorie d'une forme plastique nouvelle. Il enseigne aux Vkhoutemas (Ateliers supérieurs d'art et de technique) aux côtés d'artistes comme Vladimir Tatline ou Alexandre Rodtchenko et dessine, en 1927, un projet pour la Tour du dixième anniversaire de la révolution d'Octobre, qui témoigne clairement de ses expérimentations constructivistes.
Dans les années 1930, il devient l'une des figures du réalisme dans la sculpture soviétique, connu essentiellement pour ses représentations d'athlètes et participe à toutes les expositions d'art soviétique en URSS et à l'étranger.
Mahaut Tyrrell
chargée de communication médias
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