Un site aristocratique gaulois, un trésor monétaire et une luxueuse villa romaine à Bassing (Moselle).

Dernière modification
10 mai 2016

La commune de Bassing est située au coeur du Pays des Étangs et du Saulnois, à la confluence des bassins versants de l'Albe et de la Seille. Le site de la Tête d'Or, décapé sur une surface de 37 000 m2, occupe un versant rectiligne faiblement pentu situé entre deux buttes. Occupé pendant mille ans, de 200 avant notre ère à 800 de notre ère, il a livré des vestiges d'une grande richesse, notamment un exceptionnel trésor monétaire d'argent constitué de 1 169 pièces gauloises.

Les premières occupations

Le site commence à être fréquenté au Néolithique moyen et récent (entre 4500 et 3500 avant notre ère), comme en témoignent des armatures de flèches et des outils en silex. Des fragments de poterie datés de la fin de l'âge du Bronze et du premier âge du Fer (entre 1400 et 450 avant notre ère) attestent, quant à eux, d'occupations épisodiques durant la Protohistoire récente. 

Un établissement rural de statut aristocratique

Dans la deuxième moitié du IIe siècle avant notre ère (entre -150 et -120), un vaste établissement rural est édifié sur le site de Bassing, idéalement localisé entre les deux principaux oppida du territoire des Médiomatriques (Divodurum-Metz à l'ouest et Fossé des Pandour-Saverne à l'est). Un puissant fossé doublé d'une palissade définit un enclos quadrangulaire de quasiment un hectare. À l'intérieur, se dressent des constructions en bois dédiées à l'habitation et à des activités artisanales et agricoles. À l'extérieur de l'enclos, des rangées de greniers sont implantées du côté est et du côté sud.

Les dimensions de l'enclos et du fossé et la richesse du mobilier exhumé témoignent du statut aristocratique des occupants. En effet, le comblement du fossé a livré, au total, 153 kg de fragments de vaisselle en céramique, 180 kg de restes d'animaux, 92 kg de fragments d'amphore vinaires, 48 kg de fragments de meules et 193 objets métalliques, ainsi que des bijoux (notamment, une perle d'ambre provenant de la Baltique).

Parmi les objets métalliques (fibules, couteaux, haches...), des fragments de vaisselle en tôle de bronze ont été identifiés comme des éléments de passoires destinées à filtrer le vin. Il s'agit de produits de luxe associés à la consommation du vin importé de Méditerranée, comme le confirment les restes d'amphore. Des déchets métalliques suggèrent l'existence d'un atelier de fabrication de fibules. L'artisanat du métal semble ainsi constituer une part importante des ressources de l'établissement, outre des activités de fonderie, filature, tissage et cordonnerie, qui complètent la production agricole. La découverte d'un dépôt composé de pièces de char, de monnaies, d'une hache de guerre et d'embouchures de trompes de guerre renvoie à une pratique cultuelle en lien avec la guerre et laisse supposer le statut militaire des occupants du site.

La conquête de la Gaule par les Romains, au milieu du Ier siècle avant notre ère, ne semble pas affecter l'établissement de Bassing, qui reste stable et prospère, avec une population dense. 

L'établissement augustéen

Dans le dernier tiers du Ier siècle avant notre ère, l'enclos fossoyé gaulois est comblé et un nouvel enclos carré matérialisé par des palissades est construit, délimitant une surface de 0,75 ha. Un grand bâtiment en bois, placé au centre de l'enceinte et en face du système d'entrée, correspond certainement à l'habitat principal. La maçonnerie apparaît à cette période, avec une cave parementée de pierre de taille, ce qui représente une découverte exceptionnelle. Le bâtiment qui devait la couvrir a été incendié. Un puits creusé au nord-ouest de l'enceinte, à l'extérieur de l'enclos, peut être associé à cette installation.

L'activité métallurgique semble se maintenir et la production de fibules, notamment de types militaires, prend même un nouvel essor.

Un trésor monétaire

Le site de Bassing a livré un exceptionnel dépôt de 1 169 monnaies composé de 1 111 quinaires d'argent, 55 potins de bronze et 3 statères d'or. Son enfouissement a eu lieu entre les années 40 et 20 avant notre ère. L'origine des monnaies, de différents types, renvoie à diverses régions de la Gaule : majoritairement du Centre-Est, ainsi que du Val de Loire, de la Gaule Belgique et du Massif Central. Quelques rares exemplaires proviennent du territoire des Ségusiaves, peuple localisé à l'ouest de Lyon.

Le monnayage de quinaires, étalonnés sur le demi-denier romain, apparaît comme une frappe monétaire effectuée dans l'urgence pour rémunérer, faute de deniers romains, des auxiliaires gaulois enrôlés dans l'armée romaine sous l'égide d'un aristocrate. Le trésor de Bassing pourrait ainsi représenter une encaisse militaire qu'un chef médiomatrique réservait au financement de sa troupe. 

Une villa des champs

À l'occupation augustéenne succède, au cours du Ier siècle de notre ère, un établissement rural doté d'une résidence et de plusieurs bâtiments annexes à vocation agraire et/ou artisanal. De taille modeste, l'habitation possède néanmoins des fondations en pierre, une cave maçonnée et une tour grenier. 

Une villa de riches

Durant la deuxième moitié du IIe siècle de notre ère, le domaine est réorganisé et plusieurs corps de bâtiments sont élevés, notamment une luxueuse résidence. Elle comporte deux portiques avec une colonnade réalisée en grès des Vosges et quatre tourelles d'angles. Le domaine est enclos d'un mur quadrangulaire englobant un terrain d'environ 3 ha. Des granges et des annexes (écuries, étables, forge, logements) se répartissent autour et dans la grande cour destinée aux activités agricoles. Un petit aqueduc souterrain capte les eaux d'une source proche pour alimenter un balnéaire.

L'établissement est détruit par un incendie au IIIe siècle et sert ensuite de carrière de pierre. Les moellons et les éléments d'architecture sont récupérés par les installations qui se succèdent sur le site jusqu'à la fin du haut Moyen Âge.

Un remarquable pugio

Les installations gallo-romaines ont livré un abondant matériel métallique, notamment des objets étroitement liés à la sphère militaire. La découverte d'une arme utilisée par les soldats et légionnaires romains durant le début du Haut-Empire est particulièrement remarquable. Il s'agit d'un pugio, un poignard en fer considéré comme une arme de prestige. Deux pointes de flèches et divers objets de parures d'uniformes militaires, des clous de chaussures militaires et des éléments de harnachement ont également été découverts. 

L'Antiquité tardive

Le site n'est pas abandonné après la destruction de la villa du Haut-Empire. Deux bâtiments imposants fondés sur des poteaux de bois sont ainsi implantés au cours du IVe siècle. Un puits, creusé à proximité de l'un d'eux, a livré un chaudron en bronze, une hache en fer et des fragments de céramique.
Ces bâtiments sont détruits et remplacés par des constructions de taille plus modeste au début du Ve siècle.   

Le haut Moyen Âge

L'occupation perdure à l'époque mérovingienne (VIe-VIIe siècle), avec la présence, à l'ouest du site, de cinq petits bâtiments en bois associés à deux puits et, dans l'emprise de l'ancien enclos gaulois, d'un bâtiment de plus grande dimension. Cette occupation se développe vers le nord, en dehors de la zone fouillée. Le mobilier est constitué de quelques fragments de céramique, des objets métalliques dédiés aux activités domestiques (couteau, fragments de plaques..) et des restes osseux.
L'occupation carolingienne (VIIIe-IXe siècle) est située à l'est de la zone fouillée, à proximité de la limite de fouille nord. Deux fonds de cabane associés à plusieurs petites fosses et la découverte de nombreuses scories métalliques attestent d'une activité métallurgique, vraisemblablement liée au fonctionnement d'une forge. La fouille a livré une étonnante broche décorative représentant une croix en argent cloisonné décorée de pâte de verre bleu.

Les prospections menées sur les parcelles situées immédiatement au nord de l'emprise fouillée montrent que le site constitue vraisemblablement le hameau du haut Moyen Âge baptisé Nalving.

Jean-Denis Lafitte et Laurent Thomashausen