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Le Puits d'amour
A Étaples, Pas-de-Calais, le projet d'aménagement d'un lotissement a permis de découvrir une partie du camp napoléonien du Puits d'amour à Étaples (Pas-de-Calais).
Le 6e régiment d'infanterie légère de la Grande Armée y stationna d'octobre 1803 à août 1805. Les sources historiques confrontées aux découvertes archéologiques ont apporté un nouvel éclairage sur l'organisation du camp. C'est la première fois que des archéologues interviennent sur des baraquements des guerres napoléoniennes.
Dix-neuf baraques de 14 à 45 m2 ont été fouillées au nord-est du camp, le long de deux rues parallèles sur lesquelles elles ouvraient. Légèrement excavées, leurs murs étaient en torchis recouvert d'un enduit de chaux. Pour certaines, la base de leurs parois était maçonnée en moellons calcaires. Des débris de verre et de plomb retrouvés en quantité indiquent que les fenêtres étaient vitrées. Tandis que les textes et les illustrations d'époque faisaient mention de toits couverts de chaume, l'usage de tuiles est attesté par les débris retrouvés dans les comblements des baraques. Enfin, les archives historiques apprennent que chaque régiment disposait de son jardin, chaque compagnie de son potager et d'un puits. Le camp, semi-permanent, était aménagé par les soldats eux-mêmes qui préalablement stationnaient sous des tentes.
La profusion d'objets de la vie quotidienne jonchant le sol permet de délimiter, voire de différencier, des espaces d'activités dans les baraques. Ainsi, des traces de piétinement permettent de distinguer les zones de circulation interne des zones de couchages. Des tessons de céramique retrouvés près des cheminées montrent que les repas étaient préparés et servis tout près. La plupart des baraques disposaient d'un âtre et certaines d'un foyer secondaire. Les débris de pipes en terre cuite retrouvés en nombre sur le sol d'une baraque laissent penser qu'il s'agissait du mess dans le quartier des officiers. Ce dernier est identifié par la présence de boutons dorés retrouvés dans
six baraques.
La plupart des boutons, timbrés du chiffre 6 inscrit dans un cor de chasse, fermaient les vêtements du 6e régiment d'infanterie légère. Coulés en cuivre, montés sur os, bois ou cuivre, ils illustrent différentes techniques de fabrication dont certaines étaient jusqu'ici inédites. La présence de plusieurs boutons d'uniformes timbrés du nombre 75, du 75e régiment de ligne, non présent au camp d'Étaples, ainsi que d'autres, semble-t-il, frappés de l'étoile de l'ordre de la Jarretière arborée par certains régiments d'Outre-Manche, reste encore à expliquer.
Des boucles de havresac ou de giberne, témoignant de l'équipement des soldats, ont aussi été retrouvées, ainsi que des jetons en cuivre et des pièces de monnaies royales, révolutionnaires
et consulaires.
Dirigé par le maréchal Ney, le 6e régiment d'infanterie légère faisait partie de l'aile gauche de l'armée des côtes de l'océan mise en place par Napoléon. Elle regroupait, en six cantonnements, trois divisions d'infanterie et une brigade de cavalerie. Le port d'Étaples, comme six autres, servait au rassemblement de la flotte comprenant environ 2 000 bâtiments.
Napoléon avait déployé, le long des côtes de la Manche et de la mer du Nord, d'Étaples à Ostende (Belgique), 175 000 hommes pour tenter de traverser la Manche. Mais la suprématie de la Royal Navy eut raison de sa stratégie et, cinq semaines avant Trafalgar, dès le 3 septembre 1805, il fit lever les camps le long de la côte pour entraîner ses troupes vers les campagnes militaires continentales (Ulm, Austerlitz...).