Le site des Alleux, Côtes-d'Armor, qui couvre une superficie de près de 10 000 m2, se situe à proximité de l'ancienne agglomération gallo-romaine de Taden, non loin de la rivière La Rance.

Dernière modification
19 février 2016

Taden était durant la domination romaine l'un des principaux ports du chef-lieu de la cité des Coriosolites, Fanum Martis, aujourd'hui Corseul, éloigné d'une quinzaine de km. Les nombreuses prospections aériennes et travaux du Centre Régional d'Archéologie d'Alet ont permis d'identifier sur la commune de Taden plusieurs édifices (temples, entrepôts) ainsi que des voies.

La villa des Alleux a été repérée lors d'un survol aérien en 1987. Le cliché permettait de distinguer un corps principal allongé sur lequel se raccordait le départ d'une seconde aile. L'hypothèse d'un établissement en U se déployant autour d'une cour résidentielle et tourné vers l'ouest paraissait alors la plus probable. Une partie du site avait déjà été détruite par la construction d'une route à 4 voies, quelques années auparavant. En 2005, l'extension de la ZAC des Alleux à l'emplacement du site a généré une prescription de fouille préventive de la part de l'Etat (DRAC Bretagne, Service Régional de l'Archéologie). L'opération sur le terrain a commencé au début d'octobre 2005 et s'est achevée le 03 mars 2006.


L'intervention a d'abord contribué à compléter le plan dressé à partir du cliché aérien de 1987. En effet, le décapage a permis de découvrir deux ailes jusqu'alors inconnues, l'une étant partiellement conservée sous un chemin creux datant de l'époque moderne. La villa se déployait en fait autour de deux cours et adoptait un plan en H et non en U. La plus à l'ouest, celle de la pars rustica, avait déjà été en grande partie détruite lors de la réalisation d'une route à quatre voies au début des années quatre vingt. L'emprise de la fouille a donc surtout concerné la partie résidentielle de l'établissement (pars urbana), qui occupe le versant sud-ouest d'un affleurement rocheux et se déploie sur une superficie de 1000 m2.

Les premiers indices d'une occupation remontent à la première moitié du 1er siècle de notre ère. Les vestiges retrouvés correspondent à des structures fossoyées, trous de poteaux, palissade et fossés. Ils semblent désigner un habitat léger, dont le plan n'est que partiellement conservé en raison des aménagements postérieurs.

À la fin du 1er siècle de notre ère (au plus tôt), un premier bâtiment aux soubassements en dur est édifié. Il forme un rectangle de 16 m sur 13 et ne dispose d'aucune galerie portique. Son accès principal s'opère grâce à un vestibule situé à l'ouest et bordé de deux petites salles latérales. Ce vestibule débouche aussi sur un corridor, qui dessert trois autres pièces, dont une salle de réception. Ses fondations en dur sont constituées d'un assemblage de granit très soigné et large d'une soixantaine de cm. À leur arase, il faut envisager des élévations en torchis, rythmées par des poteaux de bois.

Au cours des IIe et IIIe siècles, cet établissement va peu à peu se développer pour atteindre son extension maximale à la fin du troisième siècle. L'emprise du bâtiment d'origine est néanmoins toujours conservée même s'il subit d'importantes rénovations. Ainsi, le corridor d'origine devient l'axe de symétrie de la villa. La nature des élévations de cette première construction change également. Aux parois en torchis et armature en bois, succèdent des murs en pisée, qui reposent sur des fondations de pierres, soulignées à leur arase d'un lit de tuiles concassées de 120 cm environ. Sur les deux pignons de ce bâtiment, de nouvelles salles sont ensuite ajoutées. Elles procèdent d'une architecture différente puisque les soubassements sont constitués désormais de moellons de granit liés à la terre.
À son apogée, la villa dispose aussi de deux ailes est-ouest, qui se raccordent sur le corps principal nord-sud par le biais de tour d'angle comme le laisse à penser la largeur et le profond ancrage des fondations dans le substrat, l'existence de cages d'escalier et de contreforts. Le système de communication semble aussi évoluer puisque qu'un portique à colonnade, donnant sur la cour résidentielle, longe désormais l'ensemble de l'édifice. Il faut en déduire que l'accès principal s'opérait dès lors depuis l'est et non plus par l'ouest.

A la fin du IIIe siècle apparaissent les premiers indices d'un déclin. Ils se concrétisent par la récupération des maçonneries, le démontage des portiques. Une certaine activité, difficilement caractérisable, semble pourtant se maintenir dans l'aile nord. Elle se traduit par la création d'une salle disposant de solins et d'un radier de sol constitués de matériaux de démolition. D'autres indices de la fréquentation du bâtiment résident dans l'emploi d'un chapiteau en granit pour soutenir un pilier, la réalisation de sols avec des matériaux de récupération.

La fouille aura aussi permis d'identifier la fonction de plusieurs salles, principalement au niveau de l'aile sud. Celle-ci devait être réservée aux appartements du maître des lieux. À son extrémité se développe en effet l'espace thermal. Lors de son extension maximale, on y retrouve les principaux éléments constitutifs de bains privés : vestiaire, tepidarium, caldarium avec baignoire en abside, frigidarium. Le praefurnium est installé dans une pièce de service où devait être stockées les réserves de bois nécessaires à son alimentation. Immédiatement à l'ouest de cette salle, se trouve un triclinium. Son sol est constitué d'un pavement de carreaux de terre cuite disposés en épi (opus spicatum). Dans l'angle sud-est de la salle, les vestiges d'une probable cheminée ont aussi été mis en évidence. Cette salle de réception débouche sur la galerie portique, grâce à une porte de 3 m de large, dont le seuil était constitué d'un empilement de tegulae. Du portique, on accédait ainsi à une cuisine contiguë au triclinium, par une porte de 130 cm de largeur. À l'intérieur de ce nouvel espace, la base d'une table de cuisson ainsi que les empreintes d'un meuble en bois ou d'une étagère ont été retrouvées. Le sol de cette cuisine est réalisé à l'aide de fragments de tuiles concassées et damées. Elle communique directement avec une pièce en retrait, grâce à un passage d'un mètre, identifiée comme une réserve. Ses différents sols successifs sont en terre battue et parfaitement adaptés à la fonction de stockage.

Au contraire de l'aile sud, l'aile nord semble dévolue à des activités plus domestiques. À sa terminaison est, deux fours y ont été retrouvés. Le premier correspond à un four de tuilier et le second semble plutôt réservé au séchage des graines. Ils fonctionnent avec une pièce déconnectée physiquement de l'habitat et ces trois éléments sont alignés sur le même axe.

Nous disposons de peu d'informations sur les bâtiments de la pars rustica. Elle devait être bordée latéralement de portique comme le laisse à penser les vestiges retrouvés. L'espace domestique semble aussi commencer immédiatement à l'arrière des supposées tours d'angle de la villa ainsi qu'en témoignent une citerne et une entrée charretière, matérialisée par deux imposants dés de granit. Lors de l'ultime phase de l'exploitation, il est possible que la succession de salles étirées situées dans le prolongement de la citerne dissimule en fait une série d'entrepôts.