Moussey-Saint-Léger - Parc logistique de l'Aube

Cette opération se situe dans la partie est du Parc Logistique, jamais explorée jusqu'à présent, sur un versant orienté à l'ouest. Le Parc Logistique est une zone rurale à 8 km au sud de Troyes, traversée par un ruisseau qui coule du sud au nord.
Les deux décapages ont mis au jour des vestiges d'habitat et funéraires, se répartissant sur une large chronologie. Une des problématiques était de comprendre l'organisation du territoire lors des différentes occupations.

Une occupation du territoire sur la durée

L'intérêt principal de cette fouille réside dans une perduration de l'occupation, funéraire essentiellement, sur plusieurs millénaires (de 5000 av. J.-C. à 400 ap. J.-C.). Elle se présente tout d'abord sous la forme d'une maison du Néolithique ancien, se poursuivant par l'installation d'une nécropole du Néolithique moyen puis par une sépulture collective du Néolithique récent. Ensuite, des enclos funéraires* de l'âge du Bronze (circulaires et quadrangulaires) s'implantent sur la partie haute de ce versant. Puis une nécropole de La Tène ancienne s'établit à proximité des enclos. Enfin, quelques sépultures d'enfants s'installent le long d'une voie romaine qui longe le site du sud au nord.

Enclos funéraires quadrangulaires et circulaires de l'âge du Bronze, antérieurs aux inhumations gauloises, Buchères (Aube), 2013.

Les sépultures que ces enclos abritaient ont aujourd'hui disparu.

© Denis Gliksman, Inrap

Fibule en bronze avec incrustation de corail, Buchères (Aube), IVe-IIIe siècle avant notre ère

© R. Bernadet.

Torque en bronze, Buchères (Aube), IVe-IIIe siècle avant notre ère

© R. Bernadet.

Détail du décor du fourreau d'épée, Buchères (Aube), IV^e-III^e siècle avant notre ère.
Ces décors représentent souvent des dragons affrontés, comme ici.

© R. Bernadet.

Unité d'habitation, Buchères (Aube), Ve millénaire avant notre ère.
Complément : cette maison était bordée au sud par deux fosses latérales contemporaines

© J. Grisard, Inrap.

Au premier plan, homme inhumé avec une épée dans son fourreau et recouvert par son bouclier, Buchères (Aube), IVe-IIIe siècle avant notre ère

© C. Paresys, Inrap.

Sépulture collective, Buchères (Aube), IIe millénaire avant notre ère.
Complément : cette sépulture a été condamnée par un incendie volontaire lors de son abandon

© S. Desbrosse-Degobertière, Inrap.

Des structures visibles longtemps dans le paysage

L'absence de recoupement de structures pourtant fort éloignées dans le temps et l'organisation des vestiges permettent de supposer que les structures monumentales (une quinzaine d'enclos parfois profonds de plus de 2 m) sont resté marquées dans le paysage durant plusieurs siècles. En effet, les enclos semblent s'organiser les uns par rapport aux autres, les sépultures se positionnant à proximité des fossés sans les recouper. Leur répartition, formant un alignement nord-sud, est strictement parallèle à la voie romaine. Celle-ci étant  plus récente que les monuments funéraires, un chemin préexistant plus ancien, qui serait contemporain des enclos, est probable.

Des tombes réservées à l'élite gauloise

Une trentaine de sépultures de La Tène ancienne a été découverte accolée aux monuments. Deux autres tombes sont ceintes d'un enclos quadrangulaire beaucoup moins profond et de dimensions plus modestes que les enclos de l'âge du Bronze. Il est probable que ce petit monument soit contemporain des sépultures de La Tène ancienne qu'il délimite. Ces tombes, qui regroupent des adultes ou des grands adolescents, frappent par la qualité des objets déposés. En effet, 5 défunts, tous masculins, étaient accompagnés d'une épée dans son fourreau. Ils possédaient aussi d'autres éléments comme une pointe de lance, des fibules et deux d'entre eux étaient inhumés avec leur bouclier*. Ces hommes, sans doute des guerriers, étaient enterrés avec leur panoplie personnelle. Les quelques femmes identifiées portaient leurs bijoux dont des bracelets et des torques. Elles étaient inhumées habillées, les fibules (accessoires vestimentaires) permettant de fermer un manteau ou une tunique. Les éléments de parure ou les accessoires vestimentaires (fibules*) sont en bronze, parfois rehaussées d'incrustation de corail. Les armes sont en fer, mais les fourreaux qui contenaient les épées étaient généralement décorés.

Un ensemble exceptionnel avec certaines caractéristiques régionales

Cette nécropole est exceptionnelle car la découverte d'ensembles funéraires de cette période (IV^e et III^e siècles avant notre ère) est rare autour de Troyes, malgré des décapages extensifs. Par ailleurs, la concentration d'hommes armés la distingue d'autres nécropoles contemporaines, découvertes plus au nord, dans la Marne entre Reims et Châlons-en-Champagne. L'absence de vaisselle et de quartiers de viande à Buchères est aussi une caractéristique du sud de la région champenoise, alors que ces offrandes sont fréquentes dans les ensembles marnais.

Glossaire

Enclos funéraire : fossé circulaire ou quadrangulaire dont le centre abritait une tombe (inhumation ou incinération) recouverte d'un dôme de terre ou de pierre. Ces tombes ont disparu depuis, à cause des labours intensifs, de l'érosion... Ces enclos marquaient le territoire des puissants de La Tène ancienne et devaient être visibles de loin. Parfois, les moins profonds abritaient une palissade en bois.
Bouclier : composé de bois et de cuir à l'origine, ne sont parvenus jusqu'à nous que les éléments métalliques (le pourtour appelé orle et le renfort central appelé couvre-spina).
Fibule : sorte d'épingle à nourrice qui servait à maintenir les vêtements. Parfois, l'agencement de 2 fibules reliées par une chaînette participait à la parure également.