D'avril à juin 2013, une fouille archéologique préventive a été réalisée à Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) par l'Inrap, en collaboration avec le Service archéologique départemental de l'Indre-et-Loire (Sadil), sur prescription de l'État (Drac Centre).

Dernière modification
09 août 2016

Dans le cadre de la construction de quatre maisons individuelles, les archéologues étudient un espace funéraire daté de la fin du second âge du Fer et du début de la période romaine. Il s'agit de la quatrième fouille réalisée sur le site depuis 2008. Au total ce sont 74 sépultures qui ont été mises au jour, dont 31 en 2013. Les vestiges sont actuellement en cours d'étude au centre archéologique de l'Inrap à Tours. 

Nouvelles découvertes sur la nécropole gauloise et gallo-romaine d'Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire)

Les ensembles funéraires gaulois et gallo-romain d'Esvres

La nécropole de La Haute Cour est connue depuis la publication, en 1909, d'une première fouille réalisée à l'occasion de plantations de vignes. Le secteur, situé en périphérie du bourg historique, s'urbanise depuis le début des années 2000. Un diagnostic réalisé en 2005 a permis de localiser la zone funéraire.
Le site constitue sans doute une partie d'une aire funéraire plus vaste. En 1999, un groupe de tombes a été fouillé à Vaugrignon, 300 m plus à l'ouest. 29 sépultures du Ier s. avant notre ère y sont décomptées, dont quatre tombes de guerriers caractérisées par le dépôt d'armes et d'amphores. Les tombes sont rassemblées en petits ensembles de plusieurs dizaines de sépultures, correspondant peut-être à des groupements sociaux ou familiaux. Ils s'organisent autour d'enclos dont la fonction n'est pas encore clairement établie mais peut-être liée aux rites funéraires.
Deux ou trois ensembles funéraires distincts ont été fouillés à La Haute Cour. Ils sont mis en place durant le IIe s. avant notre ère, puis successivement abandonnés à partir des années 50 avant notre ère. La fouille de 2013 permet d'étudier le groupe le plus récent, utilisé jusqu'au IIe siècle de notre ère.

Des découvertes qui s'inscrivent dans un programme de recherche

L'étendue de la zone funéraire, mais aussi le nombre et la diversité des sépultures retrouvées, témoignent de l'importance du site à cette période. Les sépultures gauloises et gallo-romaines d'Esvres se rapportent certainement à l'habitat reconnu sous le bourg actuel. De nombreuses questions se posent encore quant aux origines du village. Les vestiges étudiés suggèrent une occupation en continu depuis l'Antiquité. Il est possible que les premières installations durables remontent à la fin de la période gauloise, au IIe s. avant notre ère. Le site est très mal caractérisé mais pourrait correspondre dès l'Antiquité à une petite agglomération. Il fait l'objet du programme de recherche Evena de l'UMR 7324 Citeres - Laboratoire Archéologie et Territoires (Cnrs / Université de Tours).

Le programme de recherche Evena a pour objectif l'étude de la formation et de l'évolution du village d'Esvres et l'évaluation archéologique du territoire communal. Il est structuré sous la forme d'un Projet collectif de recherche (PCR) du ministère de la Culture et de la Communication et mis en oeuvre au sein de l'Inrap sous la forme d'un Projet d'activité scientifique (PAS) triannuel. Il est financé par la Région Centre, le ministère de la Culture et de la Communication et l'Inrap.

Des inhumations d'enfants

La plupart des tombes fouillées concernerait des inhumations d'enfants. L'acidité du sous-sol ne permettant pas une bonne conservation de la matière organique, la majorité des fosses se sont révélées vides de tous ossements. L'ensemble des fouilles a livré 24 sépultures avec des restes osseux, 18 enfants et 6 adultes. Les dimensions réduites des autres tombes suggèrent aussi des enfants. Il ne semble pas toutefois s'agir d'un espace réservé aux plus jeunes : plusieurs indices attestent une pratique de la crémation des adultes. Les restes funéraires seraient alors transportés hors de l'espace fouillé, ou dispersés.
Les parois des fosses sont quelquefois aménagées avec des planches, constituant ainsi de petites chambres funéraires. Les corps sont souvent déposés dans des coffrages de bois, dont seuls les clous sont préservés.

Les défunts sont accompagnés de nombreux objets, parfois installés sur des supports en bois agencés dans la tombe. Les vases en terre cuite constituent la majorité des dépôts : cruches, gobelets, assiettes, pots... Les tombes d'enfants se caractérisent par des poteries spécifiques, modèles réduits de céramiques de service ou biberons.
Les vases ont très souvent été volontairement brisés ou mutilés lors de la cérémonie funéraire. Il s'agit d'une pratique rituelle caractéristique du début de la période romaine.
Plus rares, des objets personnels ont aussi été mis au jour. Il s'agit d'objets de parure (fibules, colliers...) ou de petites statuettes en terre cuite.

Les études de laboratoire sont en cours

Les sépultures de La Haute Cour ont été intégralement fouillées et le mobilier archéologique a été prélevé pour son étude en laboratoire. Les restes osseux seront identifiés par une paléo-anthropologue. Les poteries seront étudiées par une équipe de céramologues et d'archéologues. Il s'agira notamment de comprendre les bris rituels et les autres mutilations qui caractérisent ces dépôts. Le traitement informatisé des données recueillies sur le terrain aidera à analyser ces pratiques funéraires particulières.

L'étude permettra aussi de vérifier les hypothèses sur la topographie des lieux que les archéologues formulent depuis la reprise de fouilles en 2005. Au-delà de l'analyse de la nécropole, il s'agit de contribuer à la compréhension du site gaulois et gallo-romain d'Esvres dans son ensemble et de son évolution jusqu'à aujourd'hui. Ces nouvelles connaissances viendront ainsi alimenter les données permettant de retracer l'histoire d'Evena.
Aménageurs : Particuliers
Contrôle scientifique : Service régional de l'Archéologie (Drac Centre)
Recherche archéologique : Inrap
Adjoint scientifique et technique : Amaury Masquilier, Inrap 
Responsable scientifique : Jean-Philippe Chimier, Inrap