A Houplin-Ancoisne, Nord, le diagnostic archéologique a été réalisé en une seule tranche, sur une surface de 4,8 ha.

Dernière modification
10 mai 2016

Le maillage des sondages en tranchée continue correspond à environ 10 % de la surface à aménager. L'emprise se développe à une altitude de 22 m (IGN 69) en rive droite de la vallée de la Deûle sur le versant du plateau crayeux du Mélantois. Cet affluent de la Lys, aujourd'hui canalisé, coule du sud vers le nord dans une large vallée marécageuse à la topographie peu marquée et envahie de dépôts quaternaires qui sont de moindre épaisseur en rive droite.

Plusieurs phases chronologiques ont été reconnues : le Paléolithique moyen, la période gallo-romaine, le Moyen Âge et l'époque moderne.

Le Paléolithique moyen

Un unique éclat Levallois a été découvert à environ 0,60 cm de la surface actuelle, dans une position légèrement oblique et dans un contexte limoneux orangé. Afin de repérer d'éventuelles concentrations, une fenêtre de 20 m2 a été ouverte autour, sans succès. Ce grand éclat Levallois entier, de modalité linéale et de forme circulaire (longueur : 107 mm ; largeur : 106 mm ; épaisseur : 24 mm ; poids : 235 g), a été confectionné dans un silex noir de la craie (Sénonien ou Turonien supérieur). La préparation de la surface Levallois est assez sommaire (présence de petites zones corticales) et le bord gauche ainsi que le talon de l'éclat ont été retouchés. À ce propos, il est intéressant de noter la présence, de part et d'autre du talon, de retouches directes semi-abruptes ; cette présence a été remarquée sur les seuls éclats préférentiels utilisés des gisements moustériens d'Hermies (inédit). L'état physique de la pièce présente une patine jaune verdâtre, avec un voile laiteux dans les zones sous-corticales ; la totalité de la surface montre un lustré prononcé, due à une altération mécanique par le sédiment. Tout le pourtour est affecté par des petites retouches marginales, bifaciales, elles-mêmes patinées et lustrées, qui témoignent de processus post-dépositionnels anciens ; par ailleurs, le fil présente un émoussé sensible au toucher. On notera enfin la présence d'un réseau de fissures de gel, visibles sur les deux faces mais plus prononcées sur la face ventrale. Cette fissuration témoigne d'une intense période froide, postérieure à son abandon ; elle n'a pas cependant affecté l'intégrité de l'éclat (absence de cupules). Cet artefact est attribuable sans hésitation au Paléolithique moyen ; il est toutefois impossible de se prononcer sur une phase chronologique plus précise. Il témoigne, d'un point de vue fonctionnel, d'une installation au moins temporaire dans les alentours immédiats du site. L'altération par le gel de cet éclat Levallois rend plus que plausible l'idée de phénomènes climatiques et érosifs qui auraient pu déstructurer le reste des vestiges paléolithiques.

La période gallo-romaine : un habitat rural

Cette occupation est implantée dans la partie sud-ouest de l'emprise sur une surface d'un peu moins de 2 ha délimitée par un fossé principal. Dans la partie interne, elle se caractérise essentiellement par trois bâtiments, dont deux sont établis sur assises crayeuses et un sur poteaux de bois, des fosses, des trous de poteau et des fossés. À cela, il convient d'ajouter l'existence d'une mare ou d'une dépression naturelle autour de laquelle s'organisent les traces d'habitat. Dans la partie externe, plusieurs segments de fossés ont été clairement identifiés. Deux d'entre eux, apparemment parallèles, sont distants de 3,50 m environ, d'axe en axe. D'autres segments non datés nous poussent à considérer l'hypothèse de l'existence d'un réseau fossoyé correspondant éventuellement au développement du parcellaire attenant à l'établissement rural. Les vestiges mobiliers (fibule, verre, sigillée) associés aux restes des fondations des bâtiments évoquent les restes d'un habitat rural relativement riche et diversifié. Leurs études placent l'occupation principale au cours du IIe s. de notre ère. Toutefois, quelques éléments permettent d'en affiner la chronologie. En effet, l'importation de sigillée à Houplin-Ancoisne depuis des centres de production connus et répartis sur l'ensemble de la Gaule romaine appuierait l'idée d'un continuum dans l'occupation du site depuis la seconde moitié du Ier s. jusqu'au début du IIIe s. Ce premier résultat permettrait d'expliquer les recoupements stratigraphiques observés entre les structures gallo-romaines comme étant probablement la suite d'une évolution sur place de l'organisation spatiale de l'habitat. La présence de céramique de tradition indigène dans certaines structures conforterait encore un peu plus cette hypothèse d'un déplacement des structures d'habitat entre les Ier et IIe s. à l'intérieur d'un espace enclos. Nous disposons, en outre, d'informations précises nous permettant de considérer une occupation pré-flavienne. Ces données confortent notre hypothèse en faveur de l'existence de deux phases principales d'occupation, dont les délimitations successives correspondraient dans ce cas aux différents axes fossoyés mis au jour. Dans une perspective globale d'appréhension de la structure des terroirs antiques, de leur histoire et de la hiérarchie des habitats ruraux, une étude plus prononcée du site apporterait des données importantes à ne pas négliger. En premier lieu, il conviendrait de déterminer la nature exacte de cette occupation, dont nous soupçonnons qu'elle ne s'apparente pas strictement aux nombreuses (mais toujours méconnues) « fermes - gallo-romaines - de tradition indigène », qui se développent sur cette portion de la Civitas Menapiorium dès le changement d'ère. En effet, les deux bâtiments sur semelle de craie rendent compte, pour la phase la plus récente de l'occupation, d'un mode de construction visiblement peu fréquent dans ces contextes. En l'occurrence, l'identification de ce type de vestiges, dont la conservation est toujours aléatoire, doit orienter notre réflexion sur ce premier thème, mais aussi sur celui de la reconnaissance d'un modèle architectural éventuellement caractéristique d'une phase tardive de l'occupation, au Haut-Empire, des établissements ruraux de la région étudiée. Selon le même schéma, l'image que transpose l'organisation potentielle des vestiges en deux axes majeurs parallèles, ainsi que la structure même de ce bâti, induisent nécessairement l'hypothèse de leur appartenance à une villa. En l'état actuel de l'étude, la reconnaissance d'un entraxe de 100 m entre les deux zones construites conforte cette idée. Cette caractéristique nous renvoie de nouveau vers l'étude de la hiérarchie des établissements ruraux gallo-romains et leur inscription potentielle dans un réseau parcellaire étendu, dont pourraient témoigner la recherche et le suivi systématiques de réseaux de fossés, tels ceux reconnus à l'est de la zone d'habitat d'Houplin-Ancoisne. Dans le même sens, l'analyse, à l'échelle microrégionale, de la répartition des différents types d'occupation nous permettra d'évaluer l'importance du réseau fluvial local dans le développement du paysage rural antique et dans celui des réseaux d'échange. Les données partielles collectées dans les années 1980 et les fouilles réalisées ces vingt dernières années dans le cadre de l'archéologie préventive et programmée témoignent, en définitive, d'une forte densité de peuplement au cours de la période gallo-romaine dans la vallée de la Deûle, allant du secteur de Dourges jusqu'à la confluence avec la Lys. La répartition et la nature des occupations montrent déjà des différences sur les modalités d'implantation des habitats (sur plateau ou en fond de vallée) et une hiérarchie entre les sites (bâtiments en pierre, établissement rural sur trous de poteau, relais routier, etc.). L'enclavement de cette zone de contact située entre les territoires Atrébates et Ménapiens reliés entre eux par la Deûle apparaît, au gré des découvertes, tout à fait relatif. Si, de toute évidence, aucun grand axe routier reliant les agglomérations principales n'est proche de la plupart de ces sites, et sans présager de l'existence d'un réseau routier secondaire efficace, nous pouvons avancer l'idée du rôle important joué par la Deûle dans le réseau de communication antique.

Le Moyen Âge et les débuts de l'époque moderne

Les résultats du diagnostic ont mis en évidence deux phases d'occupation sur le site. La première est rattachable au haut Moyen Âge et se matérialise par l'existence d'une fosse (d'habitat ?) repérée en bord de tranchée qui a livré les restes de deux vases et d'un cabochon en bronze rempli de plomb. À partir de ces maigres éléments, il est très difficile, d'une part, de connaître l'extension de cette occupation et, d'autre part, d'en caractériser la nature. Le plus gros du corpus pour les périodes médiévales et modernes concerne les restes d'une ou de plusieurs constructions en pierre et en brique localisée(s) dans le secteur proche de la rue de Noyelles. Toutefois, l'état de conservation des vestiges et l'étendue des décapages ne permettent pas d'en restituer les plans. Malgré cela, le caractère massif des blocs ouvragés en craie constituant l'entrée et les premières marches d'une cave et la base d'un mur mitoyen, ainsi que la présence d'un fossé de grandes dimensions ont conduit l'un d'entre nous à mener une première recherche documentaire au sein des archives départementales du Nord. Les premiers renseignements proviennent du plan cadastral de 1857 (arch. dép. du Nord, plan 13589) et du plan figuratif de fiefs à Houplin, des terres à Ancoisne et à Noyelles-lez-Seclin de 1696 (arch. dép. du Nord, plan 2659). Ce dernier fait figurer les édifices principaux et mentionne, à l'endroit où la route de Noyelles dessine un coude à 45 °, l'existence du château de Beaumanoir, situé à une cinquantaine de mètres au sud-est de notre emprise. Le fief de Beaumanoir et ses propriétaires successifs sont mentionnés dans le chapitre concernant la châtellenie de Lille par T. Leuridan (1900, p. 121) : « Beaumanoir à Houplin, fief tenu de la seigneurie de Barghes à Wattignies, à 10 livres de relief ; contenant un château et 8 bonniers d'héritage au hameau d'Ancoisne. Seigneurs de Beaumanoir : Hugues de Carnin, chevalier, seigneur de Noyelles, époux de dame Quentine du Bois, 1455 (...) » jusqu'à : « (...) Jacques de la Trouillère, chevalier, seigneur d'Houplin, 1531 ; ses successeurs seigneurs d'Houplin ». Aucune mention n'est faite de l'existence d'autres bâtiments attachés à ce domaine ni de la date de sa démolition. Cependant, l'hypothèse d'une construction liée au château mis en évidence lors du diagnostic est confortée ici par la présence de vestiges mobiliers datés des XVe et XVIe s. Il faut probablement rapprocher cette découverte des habitats particuliers qui se développent au cours des XIIIe-XVIe s. et qui se caractérisent par un fossé entourant des bâtiments ou même le bâtiment principal. Ces sites sont désignés de différentes façons, mais les termes qui reviennent le plus souvent sont : lieu-manoir, manoir, motte, maison... La compréhension globale de la nature et de l'extension de ce gisement passe par l'exploitation des sources historiques et par la reconnaissance de ces implantations grâce à un décapage extensif.