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Un site gaulois dans l'Aube
La fouille à Marigny-le-Châtel (Aube) a été réalisée dans le cadre de l'installation par GRTgaz de l'artère gazière Arc de Dierrey , dont le tracé avait été préalablement diagnostiqué par l'Inrap.
Elle intervient aux confins sud de la commune, sur un léger coteau orienté au nord. Le décapage, d'un seul bloc, s'étend sur un peu plus de 6 000 m². Les vestiges rencontrés consistent en fosses, fossés et trous de poteau correspondant à plusieurs occupations du second âge du Fer. En l'état des recherches, si une occupation de La Tène ancienne est supposée côté nord, la fouille a surtout permis d'identifier deux établissements enclos de La Tène moyenne et finale. Les vestiges fossoyés sont visibles sur l'imagerie satellitaire Bingmap, renseignant l'extension des occupations et palliant ainsi l'espace d'étude restreint propre aux fouilles linéaires.
Une ferme de La Tène moyenne
L'occupation la plus ancienne, repérée au nord, correspond à un ensemble modeste de fosses et trous de poteau datés vers La Tène ancienne (Ve-IVe s. av. J.-C.). À La Tène C2 (première moitié du IIe s. av. J.-C.), l'habitat est caractérisé par un enclos fossoyé de forme losangique dont seul le côté est a pu être fouillé ; il s'agit de la façade d'un établissement rural dotée d'une entrée à l'est. Au total, la superficie de cet enclos atteint 1,03 ha, d'après les données de l'imagerie satellitaire, ce qui le classe dans la moyenne des enclos laténiens. La façade est caractérisée par une interruption du fossé barrée par un système de tranchées palissadées placées au contact du talus interne, renforçant ainsi l'entrée. Devant l'interruption, à l'extérieur de l'enclos, se trouve un bâtiment sur 6 poteaux de moins de 10 m², sans doute un grenier. De part et d'autre de l'ouverture, les fossés présentent un creusement régulier, en V ; ils connaissent une histoire parallèle, débutant par une séquence de comblements rapides (érosion des parois, du talus etc.), à laquelle succèdent des profils d'équilibre (comblement plus lent du fossé) ; le déversement du talus interne précède l'abandon définitif. On note quelques objets remarquables : bracelet en lignite, fibule en fer, couteau à douille, fusaïole et pesons de tisserand en craie, perçoir ou ciselet en fer, polissoirs, broyons, fragment de meule à va-et-vient. Cette occupation, sans véritable indice d'un quelconque standing, se distingue surtout par le schéma de construction de l'enclos, usant d'une forme losangique construite sur la base d'une dorsale dont les extrémités servent de point d'ancrage à la construction des angles, par l'usage du compas. On retient donc l'idée d'un plan pensé dont l'implantation n'est pas seulement pragmatique mais repose sur des connaissances en géométrie (usage du compas), avec une volonté de rechercher des angles droits sans user de l'équerre.
Une ferme de La Tène finale
À La Tène D (après 150 avant notre ère), l'habitat semble désaffecté et est remplacé par un nouvel enclos de forme cette fois sans doute quadrangulaire, d'après les deux fossés parallèles documentés. Ils sont de taille plus modeste que ceux de l'occupation précédente mais délimitent un espace comparable, d'environ 1 ha (9 500 m²), suggérant davantage un déplacement de l'occupation qu'une véritable diachronie. L'espace fouillé à l'intérieur a révélé deux bâtiments sur poteaux, de plan quadrangulaire (dits à « parois rejetées »). Le plus grand, côté sud, pourrait constituer le bâtiment principal de l'établissement étant donné la puissance de ses poteaux porteurs (installés dans des trous de 2,43 m de longueur moyenne et 0,69 m de profondeur moyenne). Différentes hypothèses permettent d'évaluer la superficie du bâtiment entre 135 et 190 m², ce qui le classe parmi les grands bâtiments connus sur ce type d'occupation à cette période. Le second bâtiment, de plan comparable, s'étend sur une superficie de 48 m² seulement ; il peut s'agir d'un bâtiment technique.
L'indigence du matériel découvert sur l'occupation (pas de métal, rares tessons d'amphore) et la petite taille des fossés d'enclos conduisent à définir cet habitat comme étant de rang peu élevé. Au final, ces deux occupations encloses constituent des exemples intéressants tant les établissements ruraux de la fin de La Tène sont encore méconnus à l'ouest de Troyes, et plus généralement sur le plateau crayeux champenois.