Faisant suite au projet d’aménagement de la Collectivité Territoriale de Saint-Barthélemy, la Direction des Affaires Culturelles de Guadeloupe et des Îles du Nord a prescrit une fouille archéologique sur le site du fort Gustaf III à Gustavia. L’opération de sauvegarde par l’étude couvre l’ensemble du projet d’aménagement soit 1550 m² et particulièrement les anciens remparts et la plateforme de la fortification.

Dernière modification
18 avril 2024

Programmée sur plusieurs phases, l’opération va permettre de mieux documenter et comprendre par la réalisation de sondages sédimentaires et d’une étude du bâti, le pied des remparts, la construction de ces derniers ainsi que la plateforme pavée à l’intérieur du fort. Elle donnera l’occasion d’explorer de potentielles occupations antérieures à la construction du fort par les suédois, encore inconnues à ce jour (occupation précolombienne et française).

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Vue vers le nord de la batterie du fort Gustaf III, 1866.

© Anton Molander, Aquarelle. © Sjöhistoriska museet, Stockholm, Sverige


 

De la première occupation française au port franc suédois : une enclave à défendre

Occupée dès le XVIIe siècle par les colons français, l’île de SaintBarthélemy occupe une position stratégique idéale au nord de l’arc antillais, au point d’embouquement des navires en partance pour l’Europe. Mais cette position a une contrepartie, l’attrait de bon nombre de nations européennes mais également des pirates, flibustiers et corsaires qui écument les eaux alentours en quête d’une prise. Dès 1689, le Sieur de Moyencourt, lieutenant du Roi en poste à SaintBarthélemy, fait armer les premières batteries pour défendre les atterrages proches du bourg du Carénage (Gustavia) pouvant favoriser un débarquement. Il faudra cependant attendre 1769 pour qu’une première batterie soit construite dans les règles de l’art à l’emplacement du futur fort Gustaf III sur un morne dominant le nord-est du port du Carénage. Cette batterie à barbette n’est alors équipée que de trois pièces d’artillerie, dispose d’un corps de garde pour 20 hommes, d’un cachot et d’une poudrière.



En 1785, Louis XVI cède à la couronne de Suède l’île de Saint-Barthélemy en échange d’un droit d’entrepôt dans le port de Göteborg. Après leur prise de possession, les suédois vont développer la ville de Gustavia et son port en lieu et place du Carénage. Devenu un port franc attisant les convoitises, Gustavia se dote progressivement de défenses côtières pour en garder l’accès à partir de 1786. En dix ans, les suédois ont mis en défense le port de Gustavia avec pas moins de quatre batteries d’artillerie portant 28 canons réparties sur le pourtour de la rade, protégeant ses abords et en défendant ses accès. La batterie Gustaf III ou grande batterie s’arme alors d’une cinquantaine d’hommes avec huit canons. Deux bâtiments sont ajoutés, un corps de garde reprenant probablement l’ancien et une maison pour l’officier commandant la place. Une redoute est aménagée à l’emplacement du phare actuel. Cette défense ne subira que peu de modifications militaires à posteriori. Au cours du XIXe siècle, on y adjoindra deux guérites circulaires maçonnées, une cuisine, un mât porte-drapeau, une citerne pour l’eau, un clocheton, une caserne pour la troupe donnant sur l’Anse de Public puis enfin une poudrière sur la redoute.

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Lithographie du XIXe siècle représentant le bourg et le port de Gustavia. On distingue au premier plan, sur la droite, le fort Oscar et au second plan à gauche, le fort Gustaf III. 

© Archives Départementales de la Guadeloupe


Le fort Gustaf III à la lumière de l’archéologie

En amont du projet de restauration et d’aménagement du site du fort Gustaf III porté par la Collectivité Territoriale de Saint-Barthélemy, le Service de l’Archéologie de la Guadeloupe et des Îles du Nord a prescrit une opération d’archéologie préventive afin de sauvegarder par l’étude toutes les structures et aménagements anciens du site qui pourraient subir des destructions ou dommages lors de la mise en valeur. Cette opération est prévue en plusieurs phases. La première, consiste en l’étude du pied du mur de rempart du fort. Une prospection au détecteur de métaux a donc été réalisée afin de permettre aux archéologues de mettre en avant des zones de concentration de mobilier archéologique métallique ancien au pied de la construction. Pas moins de 64 artefacts d’intérêt ont pu être prélevés et géolocalisés : boulets de canon, éléments d’uniforme, monnaies, pièces d’armement, …

Á la suite de cette phase, plusieurs sondages archéologiques manuels ont été réalisés dans ces mêmes secteurs afin de documenter des anomalies de terrain et ou des zones de concentration de mobilier archéologique, encore en cours d’étude. L’une d’elles a livré des fragments de céramiques attribuables à la période précolombienne. Quatre autres sondages ont également été réalisés à l’aide d’une pelle mécanique de petit tonnage à l’intérieur du fort, contre le mur de rempart et à travers le pavage de la batterie afin de documenter les niveaux antérieurs à ce qui est visible actuellement sur le site. La dernière phase de l’étude de terrain permettra de documenter les élévations du rempart de la batterie. Effectivement, la restauration de ces maçonneries pourra engendrer la disparition d’indices archéologiques permettant la meilleure compréhension de la mise en œuvre des techniques de construction et des éventuelles réfections réalisées au cours du temps sur cette défense côtière. Le travail des archéologues ne fait donc que commencer…

Aménagement : Restauration et mise en valeur du fort Gustaf III, Collectivité
Territoriale de Saint-Barthélemy
Contrôle scientifique : Service de l’Archéologie, Direction des Affaires Culturelles de
Guadeloupe et des Îles du Nord
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Alexandre Coulaud, Inrap