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Une nécropole de l’Antiquité tardive à Sainte-Marie-aux-Chênes (Moselle)
À Sainte-Marie-aux-Chênes, l’Inrap a mis au jour une petite nécropole rurale de l’Antiquité tardive. Installée le long d’un axe de communication ancien, elle associe des rejets de crémation à quelques inhumations richement dotées. Ces tombes, datées du Ve siècle, peuvent être mises en relation avec un domaine antique tout proche dont la pars rustica a été partiellement fouillée entre 2009 et 2010.
Contexte d’intervention
La construction du lotissement Le Breuil à Sainte-Marie-aux-Chênes a fait l’objet d’une campagne de sondages, puis d’une fouille sur un vaste site d’habitat antique et médiéval (Pernot 2014). Le gisement est situé sur les marges de la bourgade actuelle, au niveau d’un promontoire délimité, au nord, par un vallon sec au fond duquel prend place un axe de circulation multiséculaire.
Sur cet habitat, occupé entre le Ier et le XIIe s. ap. J.-C. (villa à cour puis hameau médiéval), ont notamment été fouillées des annexes agricoles de la villa. Trois tombes mérovingiennes implantées dans une grange ruinée renfermaient les restes de sept individus d’une même cellule familiale. En 2020, l’extension du projet en direction de l’ancienne mine Ida a donné lieu à une nouvelle campagne de sondages (Viller 2020). Ces derniers ont mis en évidence quelques traces du premier âge du Fer, témoins de l’ancienneté du peuplement, et de l’extension de l’habitat médiéval au sein du thalweg (ligne de plus grande pente d'une vallée). Une fosse de crémation et un dépôt secondaire accréditent l’existence d’un petit espace sépulcral gallo-romain en bordure de voie. L’échantillonnage pratiqué au moment du diagnostic date les vestiges dans le courant du Ier s. ap. J.-C.
Vue du secteur de fouille et de la voie partiellement mise au jour sur la zone 1. À gauche, le lotissement le Breuil.
© S. Viller Inrap
La nécropole
La fouille de 2020 se situe dans le versant opposé du vallon, dans des sols très érodés. Les vestiges funéraires ont néanmoins été préservés par les sédiments qui se sont accumulés dans le fond de la paléo dépression. Ils se répartissent sur environ 200 m2, en bordure immédiate de la voie.
Le décapage a tout d’abord révélé une dizaine de structures afférentes à des pratiques de crémation. Celles-ci associent des restes osseux calcinés, rejetés dans des fosses quadrangulaires, voire dans de simples creusements circulaires comparables à des trous de poteaux. Aucun dépôt en urne n’a été identifié, ni de véritables amas osseux pouvant accréditer la présence de défunts. Quelques tessons et ossements d’animaux sont associés à certaines d’entre elles, ainsi que des clous (agencement de coffrets ?). Une petite fosse quadrangulaire, qui renferme des objets liés à l’activité de forge (pinces, chutes, scories, parois de four) peut être considérée comme un dépôt secondaire.
Une structure de crémation en cours de fouille sur l’espace funéraire.
© S. Viller Inrap
Dépôt secondaire en fosse avec le matériel de forgeron.
© S. Viller, Inrap
Sépulture (1064)
© S. Viller Inrap
Sépulture (1089)
© S. Viller, Inrap
Dépôt de céramiques et gobelet en verre dans une tombe (1034).
© S. Gérard, Inrap
Dépôt de monnaies dans une tombe (1034).
© S. Gérard, Inrap
Dix structures funéraires datées de l’Antiquité tardive (Ve s. ap. J.-C.) ont également été mises au jour dans le même espace. Les fosses sont orientées et disposées en rangées plus ou moins parallèles. Quelques clous en fer et traces ligneuses traduiraient l’existence de contenants périssables rigides, de type cercueils ou civières. Chaque tombe renferme un seul individu déposé en décubitus dorsal. Il s’agit d’une population composée d’adultes a priori des deux sexes et d’au moins quatre jeunes enfants. Deux femmes ont d’ores et déjà été identifiées par leurs parures (épingles à cheveux, colliers de perles). Une seule sépulture présente des traces de pillage, il s’agit peut-être de celle d’un homme.
Le mobilier funéraire
Le mobilier accompagnant les défunts est riche et varié. Les lots de céramique sont disposés en tête et/ou en pied de tombe. Les cruches, bols, jattes et pots en sigillée d’Argonne et en céramique rugueuse de l’Eiffel ont probablement contenu des denrées alimentaires périssables. Les verreries sont nombreuses et de qualité, telles des coupelles, des bouteilles, des flacons et une grande variété de gobelets. Les parures se composent de bracelets en alliage cuivreux, de perles en pâte de verre, en ambre et d’épingles. Des monnaies, isolées ou en lots étaient vraisemblablement contenues dans des bourses. Elles servaient dans les rites de passage (principe de l’obole à Charon). Deux peignes en os sont également à signaler tandis qu’une hache miniature en fer était déposée à côté de la tête d’un enfant. La présence « d’espaces vides » au sein de la fosse pourrait indiquer la présence d’offrandes périssables, tels des vêtements ou des couvertures.
Cruche en céramique rugueuse associée à une sépulture (1033).
© L. Mocci, Inrap
Gobelet conique associé à une sépulture (1050).
© L. Mocci, Inrap
Coupelle en verre associée à une sépulture (1067).
© L. Mocci, Inrap
Perspectives de recherche
L’étude en post fouille permettra de préciser l’organisation de la nécropole, son phasage, de comprendre les pratiques funéraires (gestuelle, hypothétiques pratiques commémoratives). L’étude anthropologique déterminera le sexe, la classe d’âge et les éventuelles pathologies des individus. Cette fouille enrichi nos connaissances sur la topographie historique de ce micro territoire, et plus précisément sur les pratiques funéraires et le corpus mobilier d’une période encore peu représentée en Lorraine. Elle permet en tout cas d’en apprendre un peu plus sur l’environnement de vie des premiers Quercussiens et Quercussiennes.
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Grand Est)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Sébastien Viller, Inrap