Autour d'un ancien chenal du Doubs, l'Inrap a fouillé une occupation s'étalant du Néolithique jusqu’à l’époque gallo-romaine. La fouille a permis la mise au jour de témoignages mobiliers de premier ordre, dont des matériaux organiques (bois) particulièrement bien conservés grâce au milieu très humide.

Dernière modification
27 mai 2021

En 2020 l’Inrap a mené, sur prescription de l’État (Drac Bourgogne-Franche-Comté), une fouille de grande envergure dans la carrière C2B, à Pierre-de-Bresse. Ici, à partir de la fin de la dernière glaciation, les déplacements du Doubs laissent pour empreintes de nombreux chenaux qui se colmatent lentement et se transforment en bras morts. C’est autour d’un de ces bras que s’implante dès le début de l’âge du Bronze, une population rurale attirée par les ressources offertes par un environnement à la fois humide et terrestre. Ces recherches, menées sur une surface de 10 hectares, offrent aux archéologues des informations de premier ordre sur cette occupation s’étalant du Néolithique jusqu’à l’époque gallo-romaine.

Un complexe funéraire du Néolithique à l’époque gauloise

La fouille permet d’étudier l’évolution et la variabilité des pratiques funéraires sur 5000 ans. Ainsi, pratique courante pour le Néolithique ancien et moyen (de 5200 à 3500 avant notre ère), deux défunts sont placés en position latérale et fléchie. L’observations des squelettes établit que les corps devaient être enveloppés dans cette position, révélant une préparation funéraire du cadavre avant qu’il ne soit placé dans une fosse.

Sépulture du Néolithique Final/début âge du Bronze.

Sépulture du Néolithique Final/début âge du Bronze.

© Stéphane Lenda, Inrap


Une seule tombe documente les pratiques de l’âge du Bronze (de 2200 à 1450 avant notre ère) : le squelette, également en position latérale fléchie, porte des traces d’oxydes cuivreuses sur les côtes qui témoignent de la présence d’une épingle fermant une enveloppe souple.
Le premier ensemble sépulcral de l’âge du Fer (600 et 450 avant notre ère) regroupe deux monuments, entourés de fossés, accueillant une sépulture à incinération en leur centre. Ce monumentalisme est l’héritage d’une longue tradition remontant à l’âge du Bronze ancien réservée à l’élite - guerrière notamment.
Le second ensemble gaulois (IIIe siècle avant notre ère) compte au moins 10 sépultures à inhumation. La population est essentiellement féminine et est parée de fibules et de bracelets en alliage cuivreux. Quand les fibules sont associées aux sujets immatures (de 3 à 9 ans environ), elles viennent fermer des linceuls. Cette petite nécropole illustre une codification et une tradition des pratiques funéraires et du mode vestimentaire des défunts en usage à cette époque. Les parures et les accessoires en alliage cuivreux attestent d’un niveau social privilégié.

Sépulture de La Tène.

Sépulture de La Tène.

© Stéphane Lenda, Inrap

Un habitat exceptionnel de l’âge du Bronze

L’occupation de l’âge du Bronze s’étend de 1500 à 1000 avant notre ère avec trois principales phases d’occupation particulièrement intenses, entrecoupées de phases d’abandon correspondant à des périodes de remise en eau du chenal. La fouille des niveaux de comblement du chenal a mis au jour des témoignages mobiliers de premier ordre (plus d’une tonne d’éléments tels que tessons de céramique, ossements animaux et fragments de torchis provenant des bâtiments construits sur la rive du chenal). La conservation, dans un milieu très humide, de matériaux organiques tels que le bois (cuvelage, échelles…) relatifs à la fréquentation du site ou encore les graines et les pollens, permettent de resituer de façon précise ces habitats dans leur cadre naturel. Les archéologues ont mis au jour des ossements de vaches et de chevaux traduisant une activité agricole et rurale des habitants de ce hameau.

Sélection de céramiques de l’âge du Bronze.

Sélection de céramiques de l’âge du Bronze.

© Pierre Quenton, Inrap

Un établissement rural gallo-romain inédit en plaine du Doubs

À la période antique (fin du Ier siècle avant notre ère et jusqu’au début IVe siècle) se développe un modeste établissement agro-pastoral. Consistant dans un premier temps en un enclos d’environ un hectare, il se concentre ensuite autour de points d’eau (mares et puits) avec au moins trois bâtiments sur poteaux (grenier ou remise à outils) en terre et bois. Les phases d’abandon des mares, au IIIe siècle de notre ère, livrent les indices les plus intéressants sur la vie quotidienne et les activités de cette ferme grâce à la découverte de ciseaux à bois, de limes, de tas, de marteaux, d’herminettes ou encore de rejets de tabletterie. La fouille a également révélé la présence d’un dépôt monétaire de 424 as et sesterces de la fin du IIe siècle au milieu du IIIe siècle enfoui dans une céramique. Sans doute destiné à la refonte du métal, ce dépôt est le symbole de la crise monétaire et économique que connaît la Gaule romaine en cette fin du IIIe siècle.

Aménageur : C2B
Contrôle scientifique : Service Régional de l’Archéologie (Drac Bourgogne-Franche-Comté)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Franck Ducreux, Inrap