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Occupations de l'époque gallo-romaine et du haut Moyen Âge à Croix-Mare (Seine-Maritime)
A Croix-Mare, les archéologues de l'Inrap ont mis au jour les vestiges d'un établissement agricole de l'époque gallo-romaine ainsi que des habitats ruraux du haut Moyen Âge. Ces découvertes viennent enrichir l'histoire de ce village ainsi que les connaissances sur les habitats ruraux de cette époque.
Du 7 septembre au 27 novembre 2020, en périphérie du village de Croix-Mare, une équipe de l’Inrap est intervenue pour une opération de fouille, sur une partie de l’emprise de la future ZAC aménagée par la Communauté de Communes Yvetot Normandie.
État des connaissances antérieures
Jusqu’alors, le contexte archéologique du village de Croix-Mare était peu documenté. Seuls trois sites étaient répertoriés dans l’emprise communale : le plus ancien, daté de l’âge du Bronze avait été identifié au cours des travaux d’aménagement de l’A150. Les deux autres, datés du Moyen Âge, étaient l’église paroissiale Saint-Aubin, située dans le cœur du village actuel, édifiée au XIIIe siècle, détruite aux XVIe et XVIIe, puis reconstruite à la fin du XIXe et un château qui fut érigé au XIVe-XVe siècles sur la frange sud de la commune.
Un diagnostic archéologique en 2019
En février 2019, l'Inrap est intervenu pour une première campagne d’investigation, prescrite par le Service régional de l’archéologie (DRAC Normandie).
Les résultats de cette première opération ont révélé des indices d’occupation ayant trait à des périodes historiques qui n’avaient jusqu’alors jamais été appréhendées : le début de l’époque gallo-romaine (Ier-IIe siècles de notre ère) et le haut Moyen Âge, à la charnière des époques mérovingienne et carolingienne (VIIe-VIIIe siècles de notre ère).
Vue partielle de la fouille
© Inrap
Les vestiges antiques : la périphérie d’un établissement agricole
Au cours de la fouille, les archéologues ont mis en évidence des traces d’occupation datant de la période gallo-romaine. Les vestiges sont en grande partie matérialisés par des ensembles de fossés qui forment des petites parcelles agricoles contiguës, de forme trapézoïdale. Cette mise en forme du paysage suggère la présence à proximité d’un établissement à vocation agricole.
Cette hypothèse est notamment confortée par la mise au jour de six dépôts de crémations conservés dans des urnes, dispersés sur l’emprise de la fouille et datés des Ier-IIe siècles de notre ère. Le plus riche de ces dépôts comprend, en plus de l’urne cinéraire (qui contient au moins une partie des restes du défunt après crémation), quatre autres céramiques et un gobelet en verre.
Dépôt d’une crémation des Ier-IIe s. ap. J.-C.
© Inrap
L’occupation du haut Moyen Âge : les abords d’un habitat rural
Les archéologues ont aussi mis au jour des vestiges datant du haut Moyen Âge, qui constituent l’apport majeur de la fouille archéologique. En effet, très peu d’habitats ruraux datés des périodes mérovingienne et/ou carolingienne ont été fouillés dans le Pays de Caux (4 sites depuis les années 1990). Laissant des traces moins visibles dans le substrat, ils s’avèrent difficiles à détecter : ils ne sont souvent représentés que par des creusements dans les niveaux de sols naturels (fosses, silos, trous de poteaux formant des plans de bâtiments…) et, à l’inverse des sites gallo-romains par exemple, ils ne fournissent que très peu d’objets (céramique et autres objets de la vie courante) permettant leur datation.
Fosse cellier (VIIe- VIIIe s. ap. J.-C.)
© Inrap
Les vestiges mis au jour à Croix-Mare, datés des VIIe et VIIIe siècles, nous montrent que nous sommes ici à la périphérie de la zone d’habitat. Cette aire apparaît toutefois suffisamment étendue pour que l’on puisse envisager l’existence d’un petit hameau plutôt que celle d’une simple ferme isolée.
L’espace fouillé semble majoritairement dédié au stockage des denrées agricoles (silos, fosses celliers, greniers sur 4 ou 6 poteaux…). Des fours culinaires sont également présents, éloignés des habitations faites de bois, de torchis et de chaume et donc facilement inflammables. Enfin, aux pratiques agricoles s’ajoute l’artisanat du fer puisque de nombreux déchets, issus de cette activité, ont été recueillis par les archéologues.
Coupe mécanique d’un silo (VIIe - VIIIe s. ap J.-C.)
© Inrap
Après la phase de terrain, le temps des études en laboratoire
À l’issue de la phase de fouille sur le terrain, débute l’étude des objets découverts sur le site et des divers prélèvements effectués. De nombreux spécialistes vont chacun à leur tour apporter leur contribution :
- le céramologue (spécialiste de la céramique) précisera les datations des niveaux et des structures archéologiques, renseignera les provenances des poteries et permettra de mieux comprendre les circuits d’échanges commerciaux ;
- l’anthracologue (spécialiste des charbons de bois) déterminera les essences de bois utilisées, le calibre, l’âge d’abattage des arbres ou l’utilisation de bois mort ;
- l’anthropologue (spécialistes des ossements humains) s’efforcera de déterminer l’âge, le sexe, le statut social des défunts, les traumatismes ou pathologies dont ils pouvaient être atteints ;
- le paléo-métallurgiste (spécialiste des résidus métallurgiques) définira à quelles étapes de la chaîne opératoire du travail du fer appartiennent les résidus récoltés (réduction du minerai, forge, élaboration d’objets…) ;
- le carpologue (spécialiste des graines et autres macro-restes végétaux) définira les pratiques agricoles et l’alimentation des sociétés anciennes ;
- et enfin, le géomorphologue s’attachera à définir la forme des paysages et expliquera leur mise en place et leur évolution.
Lorsque ces différentes analyses seront terminées, l’archéologue responsable de la fouille pourra restituer l’histoire du site archéologique de Croix-Mare. Ces travaux offriront une nouvelle lecture de l’histoire du village. Ils permettront aussi de compléter les données régionales et de parfaire nos connaissances sur les habitats ruraux du haut Moyen Âge, dans un secteur géographique resté jusqu’alors peu exploré.
Recherches archéologiques : Inrap
Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Normandie)