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Sud de Montfort et Les Selliers phase 2
La mairie de Neuville-aux-Bois (Loiret) souhaitant développer le parc d'activité de Montfort sur environ 10,5 ha, un diagnostic a été réalisé sous la direction de Benoist Poisblaud (Inrap) en 2005.
Cette intervention s'est révélée particulièrement positive sur six zones distinctes. Une fouille archéologique portant sur quatre des zones correspondant à des établissements agricoles médiévaux a été prescrite. L'opération a été scindée en deux phases de terrain dont la première a eu lieu sous la direction de Bruno Vanderhaegen en 2007 sur environ 5 500 m2. La seconde, sous la direction de Stéphane Joly, en 2009, a porté sur 4 370 m2.
Une occupation médiévale de la fin XIe s. au milieu du XIIIe s.
Cette seconde phase de l'intervention a permis la fouille d'environ 500 vestiges appartenant à un hameau en bordure de chemin entre la fin XIe s. et le milieu du XIIIe s. Les limites du secteur bâti et densément occupé semblent avoir été atteintes. Les principaux éléments structurants et les datations céramiques obtenues permettent de supposer trois périodes principales d'occupation et d'entrevoir assez finement son évolution.
Au XIe s., un hameau aux activités agricoles et artisanales
Le hameau initial, qui apparaît ex nihilo à partir de la fin du XIe s., correspond à au moins deux unités d'habitat et d'exploitation agricole à peu près en vis-à-vis d'un chemin. Chacune est composée de 2 à 3 bâtiments sur poteaux - parfois avec des celliers internes, de 1 ou 2, voire plus, ateliers de tisserands et de 4 à 9 silos, l'ensemble se répartissant sur une surface d'environ 300 m2. Des limites parcellaires non matérialisées sont probables et de nombreux espaces « vides » évoquent des petites cours et des terrains cultivés à proximité. Les études carpologiques et archéozoologiques démontrent que l'activité agricole est majoritaire avec une céréaliculture diversifiée et intensive, un élevage supposé (au moins pour la volaille) et une culture probablement plus vivrière. La diversité des natures de sols cultivés est un indice pour supposer l'étendue des terrains exploités. De plus, avec au moins 4 ateliers de tisserand attestés et des indices mobiliers (lissoir en verre, semences de chanvre et de lin cultivé, etc.), une activité secondaire dédiée à la production textile semble récurrente voire importante. L'hypothèse de paysans - tisserands est privilégiée. Quelques objets (un poinçon, une pointe de flèche, un fer d'âne, etc.) témoignent d'un panel d'autres activités perceptibles (chasse, équitation, production domestique, etc.) qui complètent leur quotidien mais demeurent sans doute plus épisodiques, voire exceptionnelles. Globalement, le mobilier, assez abondant et divers, est plutôt caractéristique d'un site rural relativement modeste et du caractère domestique de l'occupation.
L'apparition d'une petite élite rurale au milieu du XIIe s.
Le milieu du XIIe s., qui est la période la plus courte identifiée, semble être caractérisé par une certaine prospérité générale et surtout par une nette différentiation sociale avec l'apparition d'une petite élite rurale. Au centre, l'habitat élitaire s'organise sur près de 1 000 m2 en deux pôles distincts avec un enclos fossoyé interne séparant un habitat principal, avec au moins un vaste bâtiment de 100 m2, d'un secteur « annexe » dédié probablement à l'exploitation avec des bâtiments plus modestes et des silos. L'habitat voisin, sur moins de 200 m2, correspond à la poursuite d'un établissement de paysans - artisans (essentiellement tisserands), s'adaptant à la réorganisation viaire. L'installation temporaire d'une forge d'entretien y est supposée. De nombreux indices convergents indiquent une relative prospérité générale, en particulier une réelle abondance du mobilier allant de pair avec un changement qualitatif, surtout pour l'habitat élitaire. Un exemple est l'augmentation très sensible de la faune sauvage (lièvre, oiseau et poisson) et des proportions de porc et de caprinés dont l'âge d'abattage réduit et la sélection des quartiers de viande de qualité reflètent une alimentation carnée améliorée.
Une intense occupation suivie d'un déclin puis d'un abandon
À partir de la seconde moitié du XIIe s. l'intense occupation de ce hameau est caractérisée par la création d'un carrefour et d'un nouveau chemin vers le nord. Au centre, l'habitat est désormais ceint en totalité par un enclos fossoyé avec des aménagements de clôture, d'accès et un possible talus interne. Sa stricte organisation interne avec une partie supposée plutôt résidentielle et ostentatoire au nord et une partie dédiée plutôt à l'exploitation au sud et quelques indices mobiliers confirment l'hypothèse de la poursuite de l'établissement d'une petite élite rurale antérieure. Au nord-est du carrefour, l'unité 5 se concentre sur moins de 300 m2 et correspond à un établissement de paysans - artisans (peut-être tisserands et parfois forgerons). Un petit enclos ceint tardivement cette occupation et un espace funéraire canin s'installe en bordure. Une décrue de l'occupation semble perceptible pendant la première moitié du XIIIe s., et l'habitat élitaire, le plus pérenne, est abandonné au milieu du siècle, seul l'usage de la voirie se poursuivant au moins un temps. Ces abandons successifs témoignent d'une probable mutation profonde des réseaux du peuplement pendant la première moitié du XIIIe s. sans que l'on puisse en connaitre les raisons (crise locale préfigurant les grandes crises plus tardives ?). La création et l'abandon de ce hameau sont sans doute à mettre en relation avec des facteurs locaux ou micro régionaux mal documentés.